Rituels pour s’unir à nos saisons intérieures et extérieures

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M’assoir dehors,
Fermer les yeux.
Écouter l’eau goutter du toit,
Et m’imaginer qu’il pleut.
Respirer la douceur de l’air,
La vitalité d’un printemps imaginé.

Si l’hiver m’est doux et nécessaire
Dans ce passage qu’est la grande noirceur de l’âme
Le retour du Printemps sera comme une autorisation à vivre
Une Bénédiction des Dieux, validant mes pas.
Et alors je pourrai revenir à la vie
Recouvrer ma liberté, la possibilité d’essaimer,
Entendra la Terre s’abreuver, s’éveiller et la sentir palpiter.

En attendant après avoir marché dans la forêt, ombragée de son lourd manteau de neige j’arrive dans une clairière où le Soleil s’étend de toute son ardeur.
En pensant à la Gardienne des Relations, voilà que je lève mes bras au ciel, ferme les yeux et entame une mélopée tandis que derrière mes paupières closes se dresse une cathédrale sous laquelle me tenir. D’abord timide mon chant se fait puissant amenant la chienne à s’assoir à mes pieds telle une louve me rappelant le Sauvage tapis et lointain mais toujours présent au creux de mon antre. Lorsque j’ouvre les yeux, encore pleine de vibrations et emplie du monde, la Déesse est là, matérialisée devant moi. Ombre dansante sur la neige, femme sauvage coiffée de son panache me susurrant que la vie n’est que magie lorsqu’on s’arrête et prête l’oreille. À aucun moment la chienne n’ira marcher sur cette ombre mirage, me laissant penser qu’elle aussi a l’a sentie. Alors je m’émeus de ce moment majestueux, dépose à ses pieds une offrande de pétales de roses et m’en vais.
C’est que j’ai un diner à préparer !
Retour à la réalité ordinaire, en ma qualité de Mère,
Qui à présent se trouve ressourcée, rechargée, pleine de la Terre Mère.

Puis vient la tempête.
Marcher dans la tourmente en écho à la mienne.
Observer les arbres ployer sous tant de poids, oscillant entre immobilité ou abattement tout en tentant de demeurés droits, dignes, consentants à l’épreuve … pour l’instant.
Le fabuleux manteau des jours passés est à présent encombrant, les voilà embourbés dans leur beauté. Comme si l’ensevelissement pouvait rayonner ou même magnifier.
Me rappeler que cela ne fera qu’un temps, un jour sera le printemps.
Et continuer de marcher, de m’enfoncer dans tant de neige, déployer tellement d’énergie pour si peu avancer, finalement m’arrêter au pied d’une Mère.
Enrouler mes bras autour d’elle, poser ma bouche sur sa peau rugueuse, tendre l’oreille à son cœur, aux battements de ses craquements générés par le Vent.
Me laisser bercer, enfantée, réconfortée et m’enfoncer encore plus profondément dans la forêt, à l’abri du monde, loin des yeux aguerris, scrutateurs, reflétant immanquablement l’étendue de mes peurs.
Marcher
Marcher
M’éloigner
M’enfoncer dans ce jardin secret
Dans cet antre qu’est la forêt
Et me dépouiller, me délester,
au creux la grande clairière où le vent souffle et fouette où la fureur de l’Est amène et emporte.
Ouvrir à nouveau grand mes bras, retirer ma tuque et mes mitaines et m’offrir nue tête à la tempête.
Puis retirer un à un mes oripeaux, secondes peaux, couches de chandails et manteaux et m’abandonner toute entière au grand Mystère.
Fermer mes yeux et voir apparaitre à nouveau sous mes paupières cette cathédrale dont les arcanes sont cette fois-ci faites de raquettes et de lumière.
Appeler ceux m’ayant laissée orpheline,
En même temps qu’Honorer mes deux pieds sur Terre
Et libérer ma fureur, ma peine, ma gratitude, mes espoirs en un long cri, une plainte tandis que cette fois-ci la chienne à mes pieds gémit telle une louve auprès d’une Sorcière.
Et soignant le mal par le mal, l’intensité par la vélocité, le cauchemar à grand coups de blizzard, l’effroi par le grand froid, la force du fracas par l’émoi, ma poitrine ébréchée, mon sein disséqué, mon âme disloquée en m’offrant toute entière à cette tempête de neige qui ne doute ni de sa force, de sa légitimité ou de sa vitalité, mais qui simplement suit son chemin, mue par un instinct sauvage, puissant, impossible à endiguer à raisonner ou à contenir… juste accueillir, consentir, se confronter aux éléments, s’y mêler, les absorber, oser un peu de se déchainement comme on utilise un calmant et finalement vite me rhabiller, renouvelée, transformée.
Ne reste plus qu’à honorer ce lieu devenu Sacré, laissant aller aux vents pétales de rose, bois de cèdre et petite plume blanche et achever ma marche.
Parvenir aux traces laissées lors de mon précédent passage, raquettes aux pieds en imprimer à nouveau les contours telles une preuve d’amour pour la suite des jours.
Et achever cette épopée auprès de mes biens aimés. Enfouir mon nez dans leur pelage, et me dire à quel point ils sont sages.
Remercier, apprécier, caresser,
Me déposer et mourir.
Mourir à ce qui a été et n’est plus.
Sourire à l’avenir.
À la maison on m’attend, en ce temps de tempête la tribu entière est réunie, pour le grand rituel des biscuits, tandis que le vent rugit.
Déguster quelques instants cette douceur,  alors que mon cœur n’a plus peur.

Le lendemain la tempête a laissé un écrin de blancheur et de pureté.
Tout est nettoyé.
Me voilà régénérée.

Alors je m’assois sur ce tapis maculé pour méditer,
Écouter le toit dégouter
Et rêver de l’été !

* Celle qui voudraient aussi s’unirent à leurs saisons Femmes en cercle se tiendra le 16 février prochain à 13h30

Rituels d’Imbolc
Je l’avais senti arriver, sans trop parvenir à le définir, trop occupée à tergiverser avec les noirceurs qui m’habitaient. Puis quelque chose c’est déposé, le Soleil s’est levé plus tôt, est monté plus haut, agrandissant les jours et apportant un peu de douceur à mon cœur.

Alors la chatte étendue au Soleil, me l’a confirmé, avec son ventre gonflé.
Il n’y avait plus de doute, les premiers jours de février nous avaient ramené Imbolc, Déesse Païenne, Reine de la Fertilité dont le nom signifiait « dans le ventre » en faisant référence à la saison des agnelages, période où jadis les brebis mettaient bas. Cela n’était pas sans me rappeler cette nuit où mon père était venu me réveiller afin d’aider une brebis qui avait de la difficulté à accoucher. Ses mains trop grosses risquaient d’éprouver le col non dilaté aussi les miennes seraient plus appropriées. J’avais 4 ans, agenouillée dans la paille fraiche, à écouter ce que mon père me disait; placer ma main le pouce tourné vers l’intérieur puis entrer délicatement dans un mouvement de spirale. Passer le col et découvrir un monde. Un vaste monde chaud et mouillé, un antre dans lequel la vie palpitait. Toujours en étant attentive à ses instructions je retournais délicatement le petit, avant de rassembler ses pattes de devant avec sa tête et de le tirer doucement vers la lumière.
Le mettre au monde.
Prier pour qu’il soit vivant.
Espérer que sa mère voudra bien le lécher.
Sourir en le voyant s’essayer à se mettre debout pour trouver la mamelle.

Ainsi Imbolc nous invite à différents rites de fertilité à présent que la noirceur se dissipe.
Le temps est venu d’honorer le retour du Soleil et libéré des entrailles de l’hiver, commencer à penser aux semis des projets à venir. Comme toute période de renouvèlement, de transformation il est bien de commencer par faire le ménage.
Aérer nos maisons, nettoyer nos intérieurs au sens propre comme au sens figuré, libérer les tensions … et peut-être répondre à quelques questions !
Par où l’hiver nous a t’il fait passer ?
Que conservons-nous de ce passage ?
Que mettons-nous de côté et que choisissons-nous de conserver ou d’initier pour ensemencer l’avenir ?

Vient ensuite le moment de célébrer et d’honorer ses jours remplis de promesses.
On peut alors relayer le Soleil en allumant de nombreuses bougies le soir venu et se régaler entre amis et familles de crêpes, jaunes et dorées, à l’image du retour de l’astre tant espéré.
La crêpe nous rappelle aussi les longues disettes d’hiver, l’économie et la pénurie qu’amènent les jours froids amenuisant les réserves au fil du temps. Fruits et légumes se raréfiant les mois passant, ne restait alors que la farine, les oeufs et le lait.
Même si à présent nos réfrigérateurs sont continuellement gorgés d’abondance on peut transposer cette métaphore à nos vies et prendre le temps de nous demander;
Où se loge notre abondance ?
De quoi manquons-nous dans notre vie ?
À ce temps de l’année au bout de quoi arrivons-nous ?
Quelles sont nos réserves ?
Qu’arrivons nous à créer, nourrir et soutenir avec ce que nous avons ?
Qu’avons-nous à honorer et célébrer en ces premiers jours de février ?
Ainsi voilà venu le temps de prier, de se recueillir.
Prier la Grande Déesse ou les autres Dieux qui nous inspirent.
Prier pour qui nous sommes, ceux qui nous entourent.
Honorer nos rires et nos souvenirs.

… comme celui où au jour d’ d’Imbolc que l’on nomme aussi Chandeleur, notre père décrochait la grande gallettoire de fonte et s’affairait à faire dorer une pile de crêpes qu’il faisait sauter. Impressionnés, mon frère, ma soeur et moi approchions tandis qu’il nous racontait années après années la même histoire. « Quand on fait sauter les crêpes en ce jour, il faut tenir bien fort dans sa main une pièce de monnaie afin de s’assurer la prospérité pour l’année ! » Il prenait alors notre petit main dans la sienne, se saisissait de la gallettoire et nous aidait à faire sauter jusqu’au plafond la crêpe dorée sous nos yeux écarquillés.  Outre le plaisir de ce moment partagé et tout ce dont cela nous faisait rêver, lorsqu’on vit sur une ferme, le mot prospérité prend un sens bien particulier. Il en faut de la patience, de la compétence, de la confiance, de la clémence de Mère nature pour faire pousser des petites graines jusqu’à ce qu’elles deviennent céréales ou fourrages, haricots ou choux fleurs, groseilles ou pommes de terre, que chaque petit embryon devienne grand et fort, que le Soleil brille au bon moment, que la pluie arrive à temps.

Quelques années plus tard, j’arbore mes premiers cheveux blancs, tandis que mon père est devenu Grand-Père et le cycle immuable de la vie continue de se perpétuer, un tantinet décalé du fait des latitudes de notre contrée.
Nous n’avons plus de brebis mais la jument chez mes parents ainsi que leur chienne s’arrondissent de plus en plus alors que la vie qu’elles hébergent s’émancipe au fil des mois. Si tout va bien je n’aurai pas besoin de plonger ma main en elles, mais en attendant je les pose sur l’arrondi de leurs ventres, sens les mamelles bourgeonner et plus doux que tout, il m’arrivait de palper un glissement, un effleurement de vie chargé de me rappeler ce jour de mes 4 ans où pour la première fois j’ai senti la vie palpiter et me suis sentie liée à plus grand que moi.

Au loin dans les bois, la même histoire se joue, alors que les femelles orignales, chevreuils, renards et coyotes portent elles aussi en leur sein, de fabuleux trésors, germe de vie, gage de pérennité.
C’est à présent moi qui tiens la main de mes enfants pour faire sauter les crêpes, même que les plus âgés y arrivent comme des grands !
Quand à ma mère elle n’a jamais arrêté de veiller, d’écouter, de chuchoter, de cultiver, de cuisiner, de soigner, de prendre soin de tous et chacun. Dans son ventre de mère elle a porté la vie, accueillie la mort aussi. Elle a béni et prêté vie à un nombre de graines infinies qui ont porté fruits… et elle nous a appris.

Et vous, que portez-vous dans vos ventres ?
Quelles sont les femmes auxquelles vous êtes liées ?
À qui, à quoi prêtez-vous vie ?
Quel est votre lien au Sacré ?

Voilà ce que février nous apporte avec son cortège de jours agrandis, de ciel dégagé, de célébrations et autres occasions de se régénérer et de tisser fertilité, prospérité, renaissance et quête de sens.

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Pour d’autres idées de rituels, réflexions et célébrations :
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