Teyoweh; s’asseoir dans la tranquillité avec les chevaux (partie 2)

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Ça y est le Soleil est levé !
Alors que j’avais la tête penchée dans mon cahier, le corps emmitouflé de mon poncho et les yeux rivés à l’Ouest sur les chevaux, à l’Est la magie a opéré. J’ai manqué ce moment où le Soleil sort de la montagne, cette apparition puissante énergisante, peignant la Terre et le ciel de couleurs enivrantes nous appelant à la Vie. Je suis déçue et me juge. Qu’avais-je donc à écrire de si important plutôt que de profiter de l’instant présent ?

Cela m’offre la métaphore qu’il est impossible d’être partout en mime temps et que l’art de la Présence nécessite ancrage et conscience, ce que les chevaux m apprennent jour après jour avec leurs quatre pattes bien posées sur terre, en même temps que le non nécessité de s’auto flageller. Dans le jugement et la culpabilité nous cristallisons nos émotions jusqu’à en devenir prisonnières, alors qu’en acceptant nous accueillons l’émotion et ses enseignements pour ensuite choisir l’outil qui permettra de s’en libérer, la laisser couler et retourner brouter ! Et voilà qu’en posant ces mots les chevaux sont à présents baignés de Soleil, une sorte d’épousailles, d’unification dans la plus grande des quiétudes.
Ça me parle tellement de toutes mes agitations.

Tranquillement le Soleil prend de la hauteur, en même temps que moi aussi face aux tergiversations qui m’assaillent. Les champs de céréales sont à présent illuminés, rendant grâce au temps qui passe, à l’abondance des récoltes, à la moisson qui sera bientôt là. La brise fraiche s’est muée en vent du Sud ajoutant un jour supplémentaire à l’été. Ma tente et mon sac de couchage sont à présent secs bien qu’il soit encore très tôt. La tuque et le poncho sont à présent de trop. L’invitation est à l’allègement. Seule persiste une petite brume au-dessus du ruisseau. Les frissons de la nuit ne sont plus que mauvais souvenir, bientôt la chaleur aura gagné la prairie et demeurer assise en plein Soleil révèlera d’autres enjeux.

Tout à coup les chevaux s’agitent et se mettent en branle. Bien que l’invitation du Teyoweh soit de rester assise, je les suis. Je marche dans leurs pas, sur leurs sentiers tapés par des centaines d’allées et venues et pieds nus pour ralentir, ressentir, écouter. En même temps je découvre sous la plante de mes pieds la douceur des paysages qu’ils ont sculptés et je m’enhardie de peut-être trouver enfin une réponse à une de mes grandes questions. Qui dans la harde initie le mouvement pour s’engager dans la passerelle et aller boire ?
Est-ce Hope le cheval dominant ?
Est-ce Inipi la jument potentiellement meneuse, comme dans les hardes à l’état sauvage ?
Est ce Kawa ou Sioux, les chevaux pourtant les plus soumis du troupeau ?
Ce sont souvent eux que je vois arriver en premier, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont pris l’initiative.
Et si oui pourquoi ?
Qu’est-ce qu’implique la captivité même dans bcp d’espace, la suppression de la liberté même avec la possibilité de bcp de mouvements ?
Cela m’intéresse au plus haut point au sujet des chevaux pour mieux les comprendre, les connaître et communiquer. Cela fait aussi profondément écho à ma vie d’humaine.
Qu’est-ce que le collectif m’apporte ?
Qu’implique la vie en société versus celle retirée dans la forêt ?
De quelles façons ces ensembles systémiques m’impactent ?
Comment mes choix parlent de moi, des autres, de mes relations, privilèges, enjeux, joies, peines, deuils, conflits, rêves et espoirs, projets pour ma vie, mon âme de femme, celle de ma famille et de l’avenir du monde ?
Et comme les chevaux n’ont finalement pas emprunté la passerelle … Sioux a décidé d’y aller mais les autres n’ont pas suivi. Inipi s’est agitée et a henni pour le rappeler à la suite de quoi il est revenu, s’est rallié et tout le monde a recommencé à brouter, ce n’est pas aujourd’hui que je vais avoir réponse à mes questions.
Du moins pas à toutes.
Et peut-être que la réponse est bcp plus nuancée que ce que je pensais.
Alors je m’assois sur un monticule de terre et de mousse et observe ce monde fabuleux dressé tout autour. Entre le Soleil face à moi et la lune dans mon dos je me sens emprunte de fragilité et soutenue à la fois par une grande force, une sorte d’équilibrage des polarités. C’est ce moment que les chevaux choisissent pour s’approcher de moi, m’entourer. Inipi allant jusqu’à me renifler les pieds et brouter un instant à mes côtés. C’est un moment de pure félicité. Un cercle de protection dans lequel je n’entends plus que le Vent dans les branchages et leurs grosses molaires broyant l’herbe. Un son si apaisant qui guide tant de fois mes méditations.
Avec le Soleil qui continuer de s’élever les Corneilles ont laissé leur place aux cris des geai bleus, des pics bois et au crissement des grillons. Je me sens bénie d’être si bien entourée. Si l’on pouvait mettre cela en pot et l’infuser nous n’aurions peut-être moins besoin de traitement de chimiothérapie ou à tout le moins ils seraient moins rudes pour le corps et l’âme. Les salles de soins seraient de vastes prairies et les infirmières couronnées de fleurs plutôt qu’habillées en cosmonautes. Les chevaux, les arbres, la terre, le vent et les oiseaux feraient équipe avec elles. Ainsi, elles auraient le temps de s’asseoir elles aussi; la possibilité de se reénergiser tout en prodiguant des soins. Et même si la déprime, la peur, le doute, les douleurs et la mort venaient à survenir alors on saurait quoi faire. On aurait des mots à offrir ou des silences fleuris pour accompagner, des bains de Soleil, de forêts et de rivières, des caresses de vent, des siestes à même la terre plutôt que de se taire, de se nier, de se recroqueviller en espérant que cela va passer. Et puis les pères et les mères, les enfants, les amis, les grands-parents, les voisins pourraient venir pour tenir la main, partager un moment, veiller autrement que derrière un écran. Chacun pourrait se sentir vu et entendu, supporté par les éléments plutôt que coupé du Vivant.
Je suis privilégiée d’avoir accès aux deux versions du monde, mais le cœur me serre si souvent en pensant aux autres. Ceux qui quittent un sombre sous-sol ou un 8e étage, arpentent le béton, l’asphalte, les métros et klaxons pour se rendre à l’hôpital asceptisé, déshumanisé, s’asseoir sur un fauteuil en plastique distancié pour laisser s’écouler en eux une médecine violente au son des machines de toutes sortes qui n’en finissent pas de s’époumoner nous rappelant l’essoufflement de l’incessant ballet des infirmières autant dévouées qu’épuisées sur lesquelles un système entier s’est déchargé.
Alors je rêve.
Je rêve de ma guérison et d’avoir alors suffisamment de forces et de courage pour les accueillir en retraite. Elles et les gens dont elles prennent soin jour après jour, pour les honorer, leur offrir du répit, l’espoir d’une santé, d’un allègement retrouvé.
Je rêve d’avoir la force et le courage d’un jour apporter plus que des fleurs, mais les chevaux aussi aux côtés de ces chaises de plastique le temps que la chimio s’écoule goutte à goutte.
Je rêve d’avoir le courage de replonger dans ce monde si malmenant pour l’adoucir et partager cette possibilité de guai rire autrement. Ensemble.
Je rêve de tout ce que les chevaux ont encore à nous dire, à nous apprendre et de pouvoir le partager.

Si vous aussi vous souhaiter vivre un moment avec les chevaux et ou au plus près de vous-même voici ce qui est possible

* Atelier « Au cœur de nos émotions avec les chevaux », ce samedi 4 septembre
* Teyoweh à la demande
* Séance avec les chevaux, durée 1h30, à la demande
* Cercle de femmes, tentes rouge et ateliers de ressourcement au fil des mois

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